Journée d’échanges « Surplus agricole et aide alimentaire : pistes pour renforcer les liens entre acteurs » : quels enseignements ?
Le 22 juin 2017, à Mons, s’est déroulée une journée d’échanges « Surplus agricole et aide alimentaire : pistes pour renforcer les liens entre acteurs ». Cette rencontre a été l’occasion de débattre sur la possibilité de valoriser les surplus agricoles en approvisionnant l’aide alimentaire. Retour sur cette journée riche en enseignements.
Le RAWAD (Réseau des Acteurs Wallons pour une Alimentation durable) et son groupe de travail « Accessibilité sociale » composé d’Inter Environnement Wallonie, de l’Observatoire de la Santé du Hainaut, de Solidaris, de Hainaut Développement, de la Fédération des Services Sociaux et de Soreal, est à l’initiative de cette journée d’échanges.
Que ressort-il de cette journée ?
Le gaspillage alimentaire au niveau de la production agricole est une réalité
L’enquête sur le gaspillage alimentaire chez les agriculteurs et les artisans-transformateurs wallons par DiversiFerm et par la SoCoPro, et financée par le Plan Regal, a montré que le gaspillage alimentaire au niveau de la production agricole était une réalité.
Plus du quart des agriculteurs ont déclaré se trouver dans une situation de devoir gaspiller « régulièrement » (une fois par an ou plus). En raison de leur courte durée de vie, les produits laitiers, la viande et les légumes sont, dans l’ordre, les principaux produits concernés par le gaspillage.
Les causes du gaspillage identifiées par l’enquête sont multiples : produits non récoltés pour des raisons techniques, écartés pour cause de calibrage, décalage entre l’offre et la demande.
Cependant les agriculteurs mettent déjà en œuvre de nombreuses stratégies pour prévenir le gaspillage, en améliorant la gestion des stocks, en s’adaptant à la demande et en sensibilisant les consommateurs.
La majorité des agriculteurs a répondu que les surplus sont déjà valorisés ou autoconsommés, un nombre non négligeable d’entre eux aimeraient les vendre à des unités de transformation ou des épiceries sociales ou seraient prêts à les donner. Parmi les agriculteurs intéressés par le don, beaucoup aimeraient avoir une meilleure information sur le monde de l’aide alimentaire.
Agriculture et aide alimentaire : deux mondes différents !
Le groupe de travail « Accessibilité sociale » du RAWAD a développé un projet pilote autour des surplus agricoles dans la région de Mons Borinage. Concrètement :
- le projet a débouché sur un partenariat avec la ferme de Cantraine, qui a réalisé deux dons
- il a aussi permis de créer un lien entre un producteur de Gerpinnes et la banque alimentaire de Charleroi qui récupère désormais ses fruits et légumes de façon systématique.
- les bénéficiaires de trois structures d’action sociale ont participé à diverses animations dont des ateliers cuisine (« cuisine avec Cocotte »). L’évaluation de ces ateliers est positive. Ils ont démontré qu’il y avait une demande du public pour des produits frais, un intérêt pour les produits locaux et de saison, une curiosité et des questionnements sur l’alimentation bio, ...
Le projet-pilote a permis d’identifier une série de freins et de leviers :
- les secteurs de l’aide alimentaire et de l’agriculture vivent des réalités, des saisonnalités et des habitudes différentes.
- récupérer les surplus entraîne un coût que les agriculteurs ne peuvent supporter. Par ailleurs, une grande partie est déjà valorisée sous différentes formes.
- le projet a démontré l’importance d’activités d’éducation permanente et du travail en réseau
- il a aussi permis d’avoir une vision plus complète des problématiques vécues par les agriculteurs et de dégager de nouvelles pistes d’action. Le succès du projet français Solaal (Solidarités des producteurs agricoles et des filières alimentaires), témoigne de l’importance de disposer d’une interface entre producteurs et associations active dans l’aide alimentaire, notamment pour trouver des solutions permettant de tenir compte des contraintes des uns et des autres.
Des pistes d’actions existent !
Des différentes tables rondes de la journée et discussions entre acteurs ont émergé cinq grandes pistes d’action.
1. Mettre en œuvre des solutions logistiques rapides et efficaces
Le problème de la logistique ne se réduit pas à la question du transport, mais englobe aussi le tri et le conditionnement. Par ailleurs, bien que deux nouvelles circulaires aient été publiées par l’AFSCA pour simplifier les questions relatives au don, le respect des normes restent une source de craintes pour les agriculteurs qui souhaitent offrir des produits frais.
Mettre en œuvre des solutions logistiques rapides et efficaces pour le transport des surplus et/ou des invendus, le tri et le conditionnement est un enjeu.
Ici le rôle de structures intermédiaires, servant d’interlocuteur unique entre les agriculteurs et les bénéficiaires, paraît particulièrement important. Elles permettent aux agriculteurs comme aux bénéficiaires potentiels de pouvoir se signaler rapidement de façon centralisée et leur connaissance des acteurs de terrain contribuent à dégager des solutions logistiques locales.
2. Mettre en œuvre des canaux d’informations rapides et efficaces
Plusieurs plateformes informatiques se sont développées pour faciliter la logistique. Elles peuvent permettre de quantifier les flux, répertorier les plateformes de stockage, centraliser les réglementations européennes et nationales en matière de transparence et de santé, servir d’outil de cadastre …
Le contact humain avec les agriculteurs reste très important. La plateforme informatique peut soulager et faire gagner du temps. Elle ne remplace pas l’humain, mais est complémentaire.
3. Organiser le glanage
Le glanage s’avère une solution intéressante autant pour les glaneurs (selon les cas, les glaneurs peuvent être directement ou non les bénéficiaires de l’aide alimentaire) que pour les agriculteurs qui peuvent ainsi bénéficier d’une main d’œuvre bénévole pour débarrasser les champs de produits non récoltés.
Malgré ces avantages certains, le glanage reste une solution peu répandue. Laisser « la porte » des champs ouverte reste difficile. En cause, la peur des vols, la crainte que les glaneurs ne respectent pas les gestes techniques nécessaires pour ne pas abîmer la nature. Le glanage dépendant de la météo, il nécessite aussi une certaine souplesse dans l’organisation.
L’intervention d’associations pour organiser le glanage peut permettre d’apaiser ces craintes, notamment par l’encadrement du glanage par une convention. Un travail législatif serait par ailleurs souhaitable pour réactualiser le cadre réglementaire de cette pratique.
4. Eviter le gaspillage en aval
Le gaspillage évité en amont doit aussi être évité en aval.
Des CPAS organisent des ateliers pour les bénéficiaires et pour les travailleurs sociaux abordant des thèmes comme la gestion du frigo, les collations saines pour les enfants, les dates de péremption, etc. Il s’agit d’outils basiques et facilement reproductibles. Plusieurs CPAS mettent aussi en place des projets d’ateliers de transformation et de conservation.
Malgré le nombre d’organisations existantes dans le domaine de l’aide alimentaire, il convient en effet de réfléchir à des alternatives pour permettre d’absorber les produits frais qui ne peuvent l’être directement par le secteur. Ces projets peuvent aussi être l’occasion de développer des partenariats avec des entreprises d’économie sociale.
5. Créer des ponts et des réseaux
Malgré la communication effectuée, les agriculteurs étaient les grands absents du colloque. Comment toucher ce public en tenant compte de leurs contraintes professionnelles ?
Le colloque a mis en avant un besoin d’information et de connaissance mutuelle entre le monde de l’aide alimentaire et celui de l’agriculture.
Par ailleurs, le secteur de l’aide alimentaire est lui-même composé de nombreux acteurs différents : épiceries sociales, Croix rouge, CPAS. Là aussi, un besoin de rapprochement entre les acteurs locaux se fait ressentir.