Moins de pubs alimentaires ciblant les enfants
Le Belgian Pledge… aucun lien avec une marque d’anti-poussière bien connue. Il s’agit d’un engagement du secteur de l’industrie alimentaire visant à limiter les publicités à destination des enfants de moins de 12 ans. Une initiative lancée en 2012, qui a été élargie à de nouveaux médias au mois de juin dernier. Nous ne pouvons que nous en réjouir mais il convient de conserver un esprit critique. Quel est l’impact réel de cette mesure ? S’agit-il d’une réelle avancée en termes de santé ou d’un simple « healthwashing » ?
Les changements récents
- La version précédente de l’engagement concernait uniquement la presse écrite, la TV et les sites web des entreprises concernées.
- En juin, la mesure a été étendue à 9 autres canaux de communication : la radio, le cinéma, les pages entreprises sur les réseaux sociaux (ex. Facebook, YouTube), les DVD, CD-Rom, le marketing direct, le placement de produits (présence des produits des marques dans des films, des séries, etc.), les jeux interactifs, le marketing mobile (SMS, apps, etc.) et l’outdoor marketing (affichage extérieur).
- Par ailleurs, 21 nouveaux membres ont allongé la liste des signataires, portant leur nombre total à 55.
Quelle est la portée de l’engagement ?
- Les signataires s’engagent à ne faire aucune publicité visant les enfants de moins de 12 ans pour des produits (aliments et boissons) qui ne répondent pas aux critères nutritionnels du Belgian Pledge.
- Un média est considéré comme « visant les enfants de moins de 12 ans » si ceux-ci représentent au moins 35% du public.
- Les emballages et la publicité dans les magasins échappent à la mesure.
- Les marques ne feront aucune communication sur des produits distribués dans les écoles primaires, sauf à fins pédagogiques et sur demande ou avec l’accord de la direction de l’école [1].
Est-ce suffisant ?
En signant cet engagement, il faut reconnaître que l’industrie accepte de faire un pas important dans le bon sens. On peut néanmoins s’étonner de certaines limitations ou exclusions.
- La mesure ne vise que les enfants de moins de 12 ans. Elle exclut donc les adolescents qui représentent pourtant un public extrêmement influençable et aux yeux duquel les effets de modes et d’appartenance au groupe (on consomme tel produit parce que « tous les autres le font ») sont extrêmement importants.
- Le packaging et la publicité sur le lieu de vente (PLV) sont exclus également. Or le magasin est un endroit plus que propice pour pousser à l’achat puisque non seulement la publicité ou les stratégies marketing (bonbons à la caisse, produits pour enfants à hauteur de leurs yeux, personnages de type BD sur les emballages ou sur des présentoirs dédiés, etc.) influencent le consommateur mais il a en plus les produits « sous la main » pour céder à ses impulsions.
- Si les marques s’engagent à « ne pas faire de communication sur des produits distribués dans les écoles », soulignons la subtilité du texte : elles ne déclarent pas qu’elles renoncent à les distribuer ! L’exception concernant les « fins pédagogiques » demande également à être éclaircie : qui va juger de la pédagogie des actions ?
Les critères nutritionnels de la Belgian Pledge en question
L’engagement concerne des produits qui répondent à des critères nutritionnels pour les calories, les sucres, le sel, les graisses… Ces critères sont déterminés par le Belgian Pledge, c’est-à-dire les signataires eux-mêmes, ce qui les place dans une position de juge et partie. On peut d’ailleurs s’étonner de certains de ces critères. Par exemple [2] :
- Les industriels s’imposent une limite de maximum 30 g de sucre pour 100 g de céréales pour petit-déjeuner. L’OMS fixe cette limite à 15 g.
- Idem pour les yaourts, avec une limite de 13,5 g par 100g pour les industriels contre 10 g pour l’OMS.
La nouvelle version du pacte maintient l’exception pour les produits qui remplissent certains critères nutritionnels. Par exemple, la publicité à destination des enfants reste autorisée pour certains biscuits et céréales du petit-déjeuner. [3] Or, même avec les normes de l’OMS, elles sont plus riches en sucres qu’en fibres !
Un environnement de soutien : où sont les politiques ?
Les actions isolées d’apparente bonne volonté sont vouées à être peu ou pas efficaces. Volontaire ou pas, cela s’apparente à une forme de « healthwashing ».
Des efforts à d’autres niveaux doivent être entrepris pour lutter contre l’environnement « obésogène » dans lequel grandissent les enfants. Et c’est avant tout aux pouvoirs publics de s’y coller. Pensons par exemple à :
- la présence de distributeurs de sodas et de snacks dans les écoles
- la qualité et le cadre des repas proposés dans les cantines
- et même l’offre alimentaire à proximité directe des écoles.
Il convient également de sensibiliser aux enjeux de l’alimentation et de redévelopper une culture culinaire et alimentaire malheureusement complètement éclipsée par la surabondance des produits transformés.