17/08/2015

Les producteurs de lait et le mirage de la dérégulation du marché


Les atermoiements de la Politique Agricole Commune

Le 1er avril 2015, le système des quotas laitiers a été abandonné. Celui-ci avait été mis en place en 1984 en réponse au problème d’excédents chroniques favorisés par le précédent régime d’aide ; ce régime liait le montant des subventions au niveau de production. Le prix payé aux agriculteurs était alors garanti, par un prix d’intervention, l’Europe rachetait les surplus de lait et de beurre. Les surplus étaient si nombreux qu’on parlait « des montagnes de beurre et des rivières de lait d’Europe ». Les coûts engendrés par le rachat et le stockage des surplus ont eu raison de ce système.

© AFP photo / Marcel Mochet,
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Le système de quotas laitiers permit alors de réguler le marché européen. Néanmoins, la production européenne était quand même sensible à la conjoncture internationale. La crise du lait de 2009 l’a démontré. L’impact de la crise économique sur la consommation, la forte production de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie cette année-là ainsi que l’augmentation des quotas européens ont provoqué une pression à la baisse du prix du lait. Le revenu des producteurs a durement été impacté, à tel point que ceux-ci vendaient leur production à perte.

Sus aux marchés à forte croissance

Dernière évolution en date, l’Europe a décidé de rouvrir le robinet du lait, jugeant que le marché mondial était porteur. Elle a misé sur une progression soutenue de la demande mondiale dont pourront bénéficier les producteurs européens. C’est ainsi que pour la première fois depuis des décennies, le secteur laitier est soumis aux seules forces du marché. Les inquiétudes des producteurs étaient nombreuses, malgré le temps laissé pour se préparer à l’abandon des quotas. Malheureusement pour eux, l’histoire leur aura rapidement donné raison...

Et encore une crise

L’abandon du système de quota aura vite révélé les effets pervers du « tout au marché ». Effectivement, le marché mondial n’a pas été aussi porteur qu’attendu, notamment en raison de la faible demande chinoise et de l’embargo russe sur les produits agricoles européens. Résultat : des prix en chute libre et des producteurs qui voient leur revenu fondre alors même que beaucoup ont réalisé d’importants investissements en moyens de production.

En réponse au mécontentement des producteurs français, le Ministre de l’agriculture a relevé le prix d’intervention. Le mécanisme de soutien est enclenché lorsque les prix chutent en dessous de 34 centimes le litre et non plus 22 centimes et ce, jusqu’en décembre. Mais les producteurs des autres Etats membres souffrent eux aussi de la situation et appellent de leurs vœux une solution au niveau européen.

L’Europe attendue au tournant

L’agriculture n’est pas un secteur économique comme les autres et mérite un statut particulier. Les productions alimentaires locales doivent être protégées. Or, dans le contexte de la mondialisation et du démantèlement progressif de la Politique Agricole Commune, l’Europe a remplacé le système des quotas par … rien.

Face à la baisse des prix et leur volatilité, mais également à la fragilisation des producteurs par rapport aux industriels du secteur, des solutions structurelles devront être trouvées. Les enjeux consistent à garantir des marges pour les éleveurs et à réguler le volume de production de manière adéquate.

Il s’agit également de réfléchir plus largement au modèle agricole que nous voulons en Europe. En matière d’élevage, des systèmes de production plus autonomes et herbagers en lieu et place de l’industrialisation et de la course au volume seraient profitables à la fois pour les producteurs, les consommateurs, l’environnement et le développement de nos espaces ruraux.

Un Conseil européen des ministres de l’Agriculture est programmé le 7 septembre afin de trouver une réponse adéquate à la crise. Espérons que l’Europe ne rate pas ce rendez-vous…